Sous notre climat tempéré, les jours sont devenus courts, le froid et l’humidité sont présents. Nous sommes en hiver. Cette saison non seulement bouleverse les activités humaines mais aussi celles de la nature. Voyons comment les animaux réagissent à cet état de fait.
Si de nombreux oiseaux, insectes, poissons migrent vers des climats plus cléments dès la fin de l’été, la plupart des animaux doivent développer des facultés d’adaptation affinées au fil de l’évolution pour survivre durant cette saison. Quelle que soit la procédure, celle-ci doit répondre à deux besoins primordiaux qui sont se nourrir et résister au froid.
Les migrateurs
La migration se définit par un déplacement saisonnier régulier impliquant un retour dans les zones de nidification. Ce mouvement ne concerne pas uniquement les oiseaux. Certains insectes comme quelques espèces de papillons et de criquets effectuent une migration à chaque fin d’été. Certaines espèces partent dès que la nourriture commence à se faire rare, d’autres attendront les premières gelées.
Physiologiquement, la baisse de luminosité automnale, le manque de nourriture vont provoquer un bouleversement hormonal (sécrétion de mélatonine et de corticostérone) chez l’animal. Celui-ci va, alors, préparer son corps à effectuer un grand déplacement. Par exemple, un oiseau va constituer une réserve de graisse et muer pour avoir un plumage plus résistant.
La plupart du temps, les départs s’effectuent de nuit. Pour cela, les oiseaux migrateurs usent de plusieurs caractéristiques pour arriver à bon port. Ils sont capables de percevoir le champ magnétique terrestre et l’utilisent comme boussole. En complément, leur vue et leur odorat exceptionnels viennent corriger le compas magnétique, ils démontrent une aptitude à s’orienter grâce aux étoiles et utilisent leur mémoire. Ces facultés s’adaptent selon les conditions météorologiques et visuelles, elles se transmettent aussi de génération en génération.
A l’approche du froid, les populations nordiques migratrices gagnent les régions à climat méditerranéen et tropical.
Durant ce long voyage, les animaux font régulièrement des étapes pour reconstituer leur réserve de graisse tout en évitant les vols prolongés au-dessus des mers et des océans.
Le réchauffement climatique ainsi que l’activité humaine ont un impact sur les flux migratoires. La hausse des températures et le nourrissage hivernal par l’homme poussent certaines espèces à rester sur place ou à migrer partiellement et moins loin.
Chez la Bergeronnette grise (Motacilla alba), La majorité des populations sont migratrices, mais à un degré qui varie suivant la latitude d’origine.
Ceux qui restent pour l’hiver
La majorité des animaux peu adaptés à de grands déplacements reste dans son aire géographique de répartition. Afin de résister aux périodes de froid, chaque espèce prépare son acclimatation sous trois formes possibles :
- une adaptation morphologique en modifiant le pelage ou le plumage. Une augmentation de la réserve de graisse fournira une isolation supplémentaire ainsi qu’une réserve d’énergie pouvant être mobilisée quand le métabolisme sera sollicité et la nourriture peu disponible
- une adaptation physiologique en ralentissant le métabolisme de plusieurs façons différentes afin d’entrer en état de dormance comme l’hibernation, l’hivernation ou la diapause
- une adaptation comportementale en modifiant le régime alimentaire ou l’attitude sociale.
Si certains ont une adaptation qui leur est particulière, d’autres peuvent combiner les trois.
Pour l’hivernation ou semi-hibernation, la température corporelle de l’animal va baisser seulement de quelques degrés et l’activité métabolique sera seulement ralentie. Durant cette période, les animaux se réveillent à plusieurs reprises soit à la suite des modifications météorologiques extérieures, soit lorsqu’ils sont dérangés par l’activité humaine. Lors de ce moment de réveil, ils en profitent pour reconstituer leur réserve de graisse, pour mettre au monde leurs petits comme la femelle Ours noir (Ursus americanus) ou déménager.
Les mammifères
Comme nous l’avons vu dans l’encadré ci-dessus, des espèces comme le Hérisson commun (Erinaceus europaeus) ou le Lérot (Eliomys quercinus) se cachent dans des abris loin des prédateurs, dans des cavités, des tas de feuilles, des terriers, dans les habitations… Ce n’est pas le cas d’autres espèces qui n’ont d’autre choix que de s’acclimater pour mieux survivre à l’hiver.
Dès que la nourriture se raréfie, le Hérisson commun (Erinaceus europaeus) cherche un abri où il fera son nid avant d’hiberner.
La plupart des mammifères terrestres ont évolué de manière à rester sur place tout au long de l’année et à demeurer actifs pendant l’hiver. Pour survivre à la neige, à la sécheresse et à la baisse des températures, ils ont développé plusieurs techniques d’acclimatation.
Dès l’automne, certains animaux commencent à se parer d’une fourrure plus épaisse, d’autres vont changer de couleur pour se fondre dans leur environnement. Dans le cas du Lièvre variable (Lepus timidus) et de l’Hermine (Mustela erminea) qui vont devenir blancs, c’est l’
saisonnière.Lors de la variation du pelage des mammifères, la longueur et l’épaisseur des poils augmentent permettant une plus grande densité du volume d’air chaud entre leur fourrure et leur peau. La sécrétion de sébum augmente également afin d’imperméabiliser le pelage.
La majorité des espèces doit modifier son régime alimentaire car certains types de nourriture manquent en hiver. Par exemple, le Renard roux (Vulpes vulpes) ne mange exclusivement que des petits mammifères à défaut de baies et d’insectes. Les Cervidés, faute de feuillages, se contenteront de brindilles et de bourgeons.
Certaines espèces tel l’Écureuil roux (Sciurus vulgaris) « thésaurisent », c’est-à-dire qu’ils vont faire des réserves de nourriture qu’ils auront, souvent, du mal à retrouver.
L’hiver est, chez l’Ours brun (Ursus arctos), la période de reproduction pendant laquelle la femelle met bas de 1 à 3 petits. Chez le Renard roux (Vulpes vulpes) c’est le début de la saison des amours où les couples vont se reproduire afin que la femelle mette bas au printemps.
Les oiseaux
Comme ils ne peuvent pas hiberner en raison de leur métabolisme élevé, les oiseaux doivent faire en sorte de maintenir leur température corporelle. Pour cela, ils bougent beaucoup, font un stock de graisse, se regroupent en se serrant les uns aux autres et leur plumage se modifie. Leur duvet devient plus épais, surtout sur la poitrine et le ventre, sa fonction principale étant la conservation de la chaleur que les plumes retiennent au plus près du corps en piégeant l’air chaud.
Les espèces vivant en milieu aquatique possèdent un système d’échange de chaleur au niveau de leurs pattes. Du sang chaud circule dans les artères depuis le cœur jusqu’aux pattes et, depuis leurs palmes, du sang froid circule dans l’autre sens à travers les veines. Les artères et les veines des pattes se trouvant les unes contre les autres, la chaleur du sang artériel est transmise au sang veineux. Ainsi le sang qui retourne dans le corps est chaud et celui qui arrive aux orteils palmés est froid.
Certaines espèces vont changer leurs habitudes alimentaires comme la Mésange bleue (Cyanistes caeruleus) plutôt insectivore en été et qui aura tendance, l’hiver venu, à adopter un régime granivore. D’autres comme le Geai des chênes (Garrulus glandarius) font des réserves de glands, faines, noisettes… Les pics et les sittelles s’alimentent d’insectes et d’œufs d’invertébrés cachés sous l’écorce des arbres. Beaucoup d’oiseaux affluent vers les mangeoires mises à disposition où ils complètent leur alimentation par de la nourriture grasse.
Du point de vue comportemental, beaucoup se rassemblent dès la fin de l’été. Chez la Corneille noire (Corvus corone), par exemple, les couples du printemps rejoignent dès l’automne les juvéniles restés en bande ainsi que d’autres adultes et se regroupent chaque soir dans des dortoirs. Cette attitude permet une meilleure survie aux individus composant ce clan car étant plus nombreux, la nourriture est plus facile à trouver, plus ils sont protégés des prédateurs et mieux ils peuvent se réchauffer. Dans les mêmes buts, différentes espèces se regroupent en « rondes d’oiseaux ».
Les batraciens
Pour les batraciens, animaux soit
, soit , il est plutôt question de que d’hibernation qui est plus spécifique aux animaux à sang chaud.Grenouille agile (Rana dalmatina)
L’hiver, la femelle entre en léthargie sous des feuilles mortes, sous une pierre ou une souche ou dans une anfractuosité du sol. Le mâle préfère être au fond de la vase.
La plupart trouvent abri dans un refuge appelé
, qui les protège des intempéries et des prédateurs. Si certains craignent le gel, d’autres ont développé une tolérance à celui-ci en modifiant la biochimie de leur corps. L’urée qui s’accumule dans leurs tissus et le glucose que leur organisme transforme en agissent comme un antigel pour empêcher la congélation des cellules. Lorsque le corps contient plus de 60 % de glace, le cœur arrête de battre, la respiration cesse et l’animal survit tant que la température ne descend pas sous -7º C à long terme.Les amphibiens terrestres entrent en état de
. Les crapauds s’enterrent ou se trouvent un abri sous des feuilles mortes ou sous un tas de bois. La Salamandre tachetée (Salamandra salamandra) se réfugie dans des terriers abandonnés, des galeries souterraines, des puits ou même dans des caves et peut sortir occasionnellement lors de journées ensoleillées car elle peut résister jusqu’à une température de -5° C.Les espèces aquatiques comme la Grenouille rousse (Rana temporaria), la Petite grenouille verte (Pelophylax lessonae) et toutes les espèces de tritons passent la saison froide dans l’eau ou s’enterrent dans la boue, la vase. Sous l’eau, les animaux hivernant ne restent pas sans activité. Ils nagent lentement afin de récupérer de l’oxygène et, lors de redoux, certains batraciens peuvent s’accoupler dès janvier.
Les poissons
Les poissons marins migrent le plus souvent vers des eaux plus chaudes ou plongent en eau profonde où la température est plus douce.
Les poissons d’eau douce restent dormant, et plongent aussi en zone profonde. Ils prennent la même température que l’eau environnante et restent peu actifs, nageant juste suffisamment pour garder leurs branchies oxygénées. Leur métabolisme élevé et leur liquide organique plus riche en glycérol l’hiver leur permettent de résister à de faibles températures.
Les reptiles
Intolérants au gel, les reptiles doivent absolument se trouver un refuge dès l’automne dans des types d’abris comme des troncs d’arbres, des fissures et des trous dans le sol ou des tas de pierres. Comme les amphibiens, ils entrent alors en léthargie, leur métabolisme ralentit, ils bougent très peu et ne se nourrissent pas.
Les couleuvres, autres serpents et lézards se trouvent un hibernaculum jusqu’à une profondeur de plus de 70cm. Il peut arriver que plusieurs espèces différentes comme les vipères, lézards, salamandres et orvets passent l’hiver dans le même endroit.
Les arthropodes
Bon nombre d’espèces d’araignées ne vivent que quelques mois, une année dans le meilleur des cas. Elles pondent souvent leurs œufs à l’automne ou dans un cocon de soie. Certaines transportent ce cocon avec elles jusqu’à éclosion des œufs, d’autres l’abandonnent, avant de mourir. Celles qui ont une longévité plus longue comme la Tégénaire domestique (Tegenaria domestica) se rapprochent des habitations afin de trouver un abri à l’intérieur d’elles, dans une cave ou un grenier hors gel ou s’enfouissent dans le sol.
Chez les insectes, alors que certains cryoprotection.
peuvent migrer, peu d’entre eux résistent à l’hiver. Le plus souvent, ils passent l’hiver sous la forme d’œufs regroupés, d’ , de larve ou de nymphe et prennent leur forme adulte dès le printemps. On parle alors de . Pendant les mois les plus froids, dans un endroit protégé, sous terre, sous les écorces ou dans des tas de bois, ils entrent en , période pendant laquelle leur métabolisme ralentit ou s’arrête complètement. La quantité d’eau que peut contenir leur organisme diminue, ils accumulent dans leur hémolymphe des molécules de glycérol qui permettent aux cellules de leur corps de résister jusqu’à des températures inférieures à -30°C, c’est laPyrrhocore (Pyrrhocoris apterus) au stade juvénile
Ces punaises sans ailes, quelque soit leur stade de développement, passent l’hiver cachées dans diverses anfractuosités souvent bien exposées au sud. Elles profitent des moindres rayons de soleil pour sortir temporairement de leur refuge.
Cependant, certaines espèces hibernent au stade adulte. C’est le cas, par exemple, des coccinelles, de quelques papillons, de certains moustiques, des punaises, que l’on peut voir actifs lors de journées douces et ensoleillées. Chez les guêpes, bourdons et autres hyménoptères sociaux, seules les femelles fécondes entrent en diapause dans un abri et, dès le printemps, forment une nouvelle colonie. Les abeilles de nos ruches se regroupent autour de la reine pour garder la chaleur dans l’essaim.
Les gastéropodes terrestres
Les limaces et escargots creusent un trou dans un sol meuble ou se réfugient sous des tas de bois, de pierres puis se déshydratent afin d’éviter de geler. L’escargot ferme sa coquille par un opercule étanche à l’humidité.
Au cas où vous trouveriez un animal en phase de réveil entre décembre et février, vérifiez si son abri n’est pas dans les alentours. En ce cas, recueillez-le délicatement, placez-le au chaud rapidement dans un carton avec un peu de nourriture appropriée à son espèce (croquettes pour chat pour le hérisson, fruits pour le lérot…) et de l’eau à température ambiante. Au bout de quelques heures ou quelques jours, le temps qu’il ait refait ses réserves, relâchez-le à l’endroit où vous l’aviez trouvé.
Si l’animal est un juvénile ou s’il ne se nourrit pas normalement, contactez un centre de sauvegarde de la faune autour de chez vous.
Dans le prochain article vous seront présentées les différentes formes d’adaptations hivernales des végétaux.
Cédric Daguet
Photographies : Cédric Daguet
Sources
La stratégie des animaux pour passer l’hiver
Amphibiens et reptiles en hiver
Les insectes en hiver
Très intéressant et, je le redis 🙂, bravo pour la mise en page qui rend la lecture fluide et très agréable
Hâte d’en savoir plus sur la coccinelle 😏
Bonjour Anik Perrin,
Merci pour ce retour.
Dans de prochains articles, vous pourrez en découvrir plus sur les différentes espèces de coccinelles ainsi que sur de nombreux autres sujets.
En vous souhaitant d’avance une bonne lecture des articles à venir.
Cédric Daguet
[…] Toxiques pour les mammifères, ses fruits riches en lipides apportent de la nourriture aux oiseaux frugivores durant l’hiver. […]