Nous voyons régulièrement sur les murs, rochers et troncs d’arbres des taches de différentes formes, consistances et couleurs. Ce sont les lichens. Ni plante, ni champignon à part entière, Ils sont le fruit d’une symbiose entre plusieurs organismes.
Nous allons voir dans ce premier article leurs particularités. La présentation de leur morphologie et de leur mode de reproduction seront présentés dans de prochain article.
Qu’est-ce qu’un lichen ?
À l’instar de certains champignons qui nécessitent de s’associer à une plante chlorophyllienne pour se développer, le lichen (du grec leikhĕn : dartre, cal, plante parasite) est une symbiose entre un champignon, une algue et/ou une cyanobactérie.
Considérés pendant plusieurs siècles comme un parasite, l’avancée scientifique a permis de les classer dans l’embranchement des Fungi car le champignon hôte assure à lui seul la reproduction ; on parle alors de champignon lichénisé. Cette symbiose est donc une modalité de nutrition d’un groupe biologique et ne constitue pas un organisme particulier.
Bien qu’étant peu étudiés, il a été répertorié un peu plus de 2000 champignons lichénisés en France, plus de 20 000 à travers le monde et d’autres sont encore à découvrir.
Le fonctionnement de la symbiose
Un lichen est une association permanente entre un champignon appelé
Lorsque s’ajoute à la symbiose une cyanobactérie, celle-ci est appelée ou bactériobionte.
Le mycobionte permet au lichen d’être bien fixé au support quel qu’il soit. Il protège l’algue des agressions extérieures tels que les rayonnements UV, le dessèchement ou certains herbivores. Il capte l’eau et les minéraux nécessaires à la croissance de l’ensemble dans l’atmosphère, le brouillard, la pluie et la neige.
Les photobiontes apportent au champignon les sucres et nutriments issus de la photosynthèse.
Parfois, le champignon « cultive » des cyanobactéries avec ou à la place d’algues vertes. Ce qui lui permet d’obtenir des matières azotées nécessaires à sa croissance ainsi que du sucre s’il n’y a pas de présence d’algues.
Il est à noté que les lichens sont de faibles consommateurs de nutriments et peuvent provisoirement ralentir leur croissance, leurs besoins en sels minéraux étant assez limités.
Particularités et intérêts écologiques des lichens
Croissance
Leur croissance annuelle, très lente, est en moyenne de 0,5 à 5 mm selon les espèces. Toutefois, en fonction des facteurs environnementaux, ce taux de croissance peut varier. Cela rend les lichens peu compétitifs face à d’autres espèces pionnières à développement plus rapide. Ce faible développement est compensé par une longévité exceptionnelle. En effet, beaucoup de lichens peuvent vivre près d’une centaine d’années voir plus comme l’espèce Rhizocarpon geographicum pouvant atteindre 4500 ans dans des zones froides et arides.
Résistance aux conditions extrêmes
En période de sécheresse, les lichens ralentissent leur métabolisme et cessent tout échange avec l’extérieur. Il reprend son cycle de croissance et développement dès que l’humidité lui est suffisante. À l’état sec, leur teneur en eau se situe entre 15 et 20 % de leur poids et peut atteindre 200 à 350 %. Certaines espèces gélatineuses peuvent avoir une teneur en eau allant jusqu’à 3500 % du poids sec.
Le du lichen règle son degré d’humidité sur celui de l’humidité ambiante. Donc, c’est de l’automne au printemps que s’effectue principalement son développement.
Quand il y a trop de soleil, le champignon modifie sa structure extérieure afin de protéger l’algue et/ou les cyanobactéries qui l’accompagnent. Par période de grands froids, le champignon agit d’une façon similaire pour garder ses « alliés » hors gel.
Les lichens sont résistants à de grands écarts de températures. Ils peuvent supporter de longues périodes de froid à haute altitude et survivre à des températures avoisinant les 50°C.
Certaines espèces de lichens tolérantes au souffre se rencontrent uniquement sur les volcans
Indicateurs de la qualité de l’air
Perméables à l’eau, les lichens sont très exposés à la pollution atmosphérique. En captant les particules de l’air et des pluies, ils contribuent à l’épuration de ces éléments. Toutefois, les différentes espèces de lichens ne sont pas toutes affectées par la pollution. Certaines y sont très sensibles et meurent rapidement quand l’air devient pollué alors que d’autres, au contraire, sont très résistantes ou sont favorisées par certains types de pollution.
À partir des observations scientifiques, il est régulièrement établi des cartes de répartitions des lichens apportant des indications sur la localisation de zones polluées. Il a été remarqué, par exemple que des liens ont été trouvés entre le taux d’azote dans les lichens et la présence d’industrie polluante et l’importance du trafic routier.
Espèces pionnières et indicateurs de la qualité des sols
En formant une croûte sur le sol, les lichens terricoles permettent le maintient de la stabilité du terrain, de lutter contre l’érosion et l’installation d’autres espèces végétales comme les mousses.
Leur étude permet d’évaluer la chimie des sols, la datation de surfaces rocheuses, la chronologie des mouvements de glaciers, le type de gestion forestière.
Interactions avec les autres espèces
Bien que certains champignons hôtes produisent des toxines afin que les herbivores ne se nourrissent des algues qui lui sont associées, les lichens servent de nourriture à de nombreuses espèces.
Certaines chenilles de lépidoptères comme la Lithosie complanule (Eilema lurideola) sont inféodées aux lichens pour leur croissance.
Les yacks, rennes, bouquetins, écureuils, gastéropodes ainsi que certains oiseaux et insectes se nourrissent régulièrement de lichens.
Il existe des champignons, appelés lichénicoles, pouvant parasiter les lichens en vivant à l’intérieur du mycobionte.
Certains oiseaux comme l’Orite à longue queue (Aegithalos caudatus) conçoivent en partie leur nid à partir de lichens. En effet, ces derniers ayant des capacités antibiotiques, désinfecterait les nids.
Utilisation des lichens par l’humain
Dans l’alimentation
Sous forme de farine, d’épaississant alimentaire, en soupe ou friture, la plupart des lichens sont considérés comme comestibles à condition toutefois de les faire macérer et bouillir pour en retirer les substances amers.
Toutefois, certaines espèces de lichens sont toxiques. En effet, les espèces les plus amères génèrent des troubles intestinaux et d’autres comme le Corticole du Mélèze (Letharia vulpina) contiennent des toxines mortelles. Il est à noter aussi que les lichens étant très réceptifs à la pollution, même cuits, ils peuvent comporter des résidus de divers polluants.
En usage médical et cosmétique
La plupart des lichens ayant, entre autres, des propriétés antibiotiques et anti-inflammatoires, leurs matières actives sont utilisées dans la confection de sirops antitussifs, de pastilles contre les maux de gorges.
Certains lichens sont transformés en huile essentielles pour la parfumerie.
Dans l’habillement
Depuis des siècles, les lichens sont utilisés pour la confection de teintures et colorants. Par décoction dans l’eau bouillante, on obtient des nuances richement variées dans les tons bleus, pourpres et violets. Le véritable kilt écossais est artisanalement teinté par ce procédé.
L’orseille des Canaries (Rocella tinctoria) est notamment
Texte et photographies :
Cédric Daguet
Sources :
Lichen, de quoi ai-je l’air ? – Cahier technique de la Gazette des terriers N°142 – Fédération CPN
Les lichens, de surprenants organismes pionniers
Lichen