Hellébore plantes hiver
Les plantes en hiver

Les plantes en hiver

paysage hiver

Comme nous l’avons vu dans l’article précédent, en hiver les animaux migrent, s’acclimatent à leur environnement ou se mettent à l’abri du froid pendant plusieurs mois. Mais de quelles façons les plantes, organismes immobiles dans l’espace, résistent-elles aux basses températures ?
Si certaines espèces annuelles meurent dès les premiers gels, d’autres sacrifient leurs parties aériennes afin de renaître au printemps, certains arbres perdent leur feuillage alors que d’autres non. Voyons-le plus en détail.

Comme nous l’avons vu dans l’article précédent, en hiver les animaux migrent, s’acclimatent à leur environnement ou se mettent à l’abri du froid pendant plusieurs mois. Mais de quelles façons les plantes, organismes immobiles dans l’espace, résistent-elles aux basses températures ?
Si certaines espèces annuelles meurent dès les premiers gels, d’autres sacrifient leurs parties aériennes afin de renaître au printemps, certains arbres perdent leur feuillage alors que d’autres non. Voyons-le plus en détail.

Le repos végétatif

Dès l’automne, quand les températures et la luminosité commencent à baisser, les plantes se préparent à entrer dans une période de repos saisonnier. Période pendant laquelle ils vont ralentir leur métabolisme et arrêter leur croissance. Dans ce processus, les différentes espèces ne réagissent pas de la même façon.
Suite au raccourcissement de la durée du jour, à la baisse des températures, la plupart des plantes pérennes ou vivaces entrent progressivement en dormance. Elles vont momentanément arrêter leur croissance, enclencher une modification hormonale et génétique permettant la protection contre le gel. Afin de limiter l’exposition au froid de leurs parties aériennes, certains arbres vont perdre leur feuillage. Certaines herbacées vont se dessécher afin de concentrer leurs réserves dans leur rhizome ou bulbe.
Quant aux annuelles, elles meurent dès les basses températures non sans avoir dispersé leurs graines.

Les différentes formes de survie des plantes en hiver

Dès 1904, le botaniste danois Christen Raunkiær (1860-1938) a proposé un système de classification des plantes par leur capacité d’adaptation selon le positionnement de leurs organes de survie. Ce classement se décline en 3 types biologiques dont un divisé en plusieurs groupes.

Les végétaux pérennes

  • Les phanérophytes représentés par les arbres, arbustes ou lianes à feuillage caduc ou persistant dont, à la taille adulte, les bourgeons sont situés à une hauteur supérieure à 50 cm
  • Les chamaephytes sont les végétaux dont la hauteur des bourgeons sur la plante est inférieure à 50 cm. Ils peuvent être

Les végétaux annuels et bisannuels

Les thérophytes
Ce sont les plantes annuelles. À courte durée de vie, après le dessèchement des parties aériennes ne subsistent dans le sol que des graines qui donneront naissance à de nouveaux individus au printemps.

Les bisannuelles
Plantes hémicryptophytes la première année, thérophytes la deuxième.

classification Raunkiaer
Classification de Raunkiær

Comment les plantes s’adaptent-elles à l’hiver ?

Les phanérophytes et chamaephytes

Dans le courant de l’automne, la plupart des arbres et arbustes perdent leur feuillage laissant place aux bourgeons protégés par des boucliers formés d’écailles protectrices. La chute des feuilles limite l’évaporation de l’eau permettant de ne pas donner prise au gel dans les tissus ligneux de l’arbre. Ils entrent en dormance, leurs cellules n’utilisant plus les nutriments et hormones nécessaires à leur croissance. Pour se protéger du froid, ils vont faire en sorte de résister et de s’endurcir. Pour cela, en dessous de 5°C, l’arbre va dégrader l’amidon stocké dans le bois et l’écorce en petites molécules à fort pouvoir « antigel » . En se protégeant du gel, l’arbre prépare son endurcissement. Les racines principales ligneuses, ayant stocké les nutriments (glucides, protéines…) nécessaires à l’automne, synthétisent la sève brute possédant un pouvoir de régénération suite aux éventuels dommages saisonniers (bulles d’air dans les vaisseaux de sève, éclatement de l’écorce…)

Chez les espèces sempervirentes comme les conifères, hormis la protection du bois commune à toutes les plantes ligneuses, les feuilles ou aiguilles persistantes matures sont plus épaisses et dures que celles des espèces caducifoliées. Elles contiennent peu d’eau et ont une teneur élevée en sels minéraux, ce qui leur permet de résister au gel. Sombres, elles captent mieux la chaleur du soleil hivernal.
Entre les deux, nous pouvons citer les arbres et arbustes marcescents comme le Chêne pédonculé (Quercus robur) dont les feuilles desséchées restent accrochées au branchage et tombent à l’apparition de nouvelles feuilles. Ceci est caractéristique chez certains jeunes arbres car, souvent, ils ne possèdent pas de zones d’abscission au niveau de leurs pétioles.

marcescence
Feuillage marcescent de Chêne pédonculé (Quercus robur) © Cédric Daguet

Les cryptophytes

La plante étant dépourvue de feuilles en hiver, elle doit stocker des réserves nutritives. Les pousses souterraines demeurent en attente au niveau d’un rhizome comme l’Anémone Sylvie (Anémone némorosa), un tubercule tel l’Asphodèle blanc (Asphodélus albus) ou un bulbe comme la Jonquille véritable (Narcissus jonquilla). Ces formes d’hivernage protègent les futurs pousses et permettent à la plante de se tenir sous terre à l’abri d’un organe stockant les nutriments nécessaires pour garantir un départ en végétation printanier. Pendant le repos végétatif, la germination est interrompue.
Le bulbe est un bourgeon en dormance protégé par des feuilles charnues remplies de réserves nutritives.
Le tubercule est le plus souvent une tige souterraine transformée en organe de réserve, on parle alors de tubérisation.
Le rhizome est une tige souterraine, souvent verticale, remplie de réserves alimentaires. A chaque entre-nœud, un bourgeon est protégé sous des écailles.

Narcisses
Narcisses © Cédric Daguet

Les hémicryptophytes

En hiver, les parties aériennes meurent et se dessèchent tandis que les parties vivantes, protégées par le sol et les feuilles mortes, préparent les bourgeons qui permettront la repousse de la plante dès le printemps suivant. A la différence des cryptophytes, leur racine primaire meurt au bout d’un temps et émet des racines adventives sous forme de stolons ou de drageons. C’est une multiplication végétative par dissociation. Ce sont des plantes à pousses non rampantes comme l’Épilobe en épi (Epilobium angustifolium) ou à pousses rampantes comme l’Ortie dioïque (Urtica dioïca).

Les espèces bisannuelles qui survivent à l’hiver, la première année, sont considérées comme hémicryptophytes.

En hiver, ont peut s’apercevoir que les parties aériennes de certaines plantes se dessèchent et recouvrent leur souche. Ces chaumes ainsi créées protègent la partie dormante de ces plantes du vent et des changements de température causés par le gel et le dégel. Cette isolation naturelle préserve les jeunes pousses qui économiseront leur énergie afin de sortir de terre dès les beaux jours.
Chez les plantes aquatiques et semi-aquatiques, les chaumes permettent en plus de garder une poche d’air isolante entre l’eau et la souche de la plante et limitent la pression de la glace sur la végétation immergée ou semi-immergée.

Les hydrophytes

Ce terme regroupe les types de plantes vivant partiellement ou totalement immergées dans l’eau. En hiver, les bourgeons dormants et les feuilles persistantes sont sous l’eau.
Certaines espèces comme les nénuphars restent toute l’année fixées au fond de l’eau. Leur partie verte flottante du printemps à l’automne, disparaît en début d’hiver et repart au niveau du rhizome immergé dès le retour des beaux jours. D’autres espèces, flottantes et non enracinées, vont adopter une forme différente d’adaptation hivernale. Par exemple, la Petite lentille d’eau (Lemna minor), dès que la température de l’eau descendra sous 6°, va se vider de l’air lui permettant de flotter. Celle-ci coulera dans l’eau et, dès le printemps, se remplira à nouveau d’air reprenant sa forme initiale, remontera à la surface de l’étendue aquatique et se multipliera.

Les hélophytes

Plantes de milieux humides, les hélophytes se développent le plus souvent dans les sols gorgés d’eau le long des berges des lacs, étangs, fleuves et rivières. Certaines espèces comme le Roseau commun (Phragmites australis), dont la base racinaire demeure souvent sous le niveau de l’eau, passent l’hiver, sous forme de rhizome. Ce dernier, riche en réserves nécessaires à la survie de la plante et faisant office d’isolant pour les bourgeons permettra, dès les premiers signes de chaleur, la croissance rapide des parties aériennes.

roseau commun Phragmites australis
Roseau commun (Phragmites australis) © Cédric Daguet

Les plantes annuelles

En début d’hiver, la plante meure complètement. Les graines, dispersées en automne, résistent au gel en se déshydratant et en concentrant dans leur cellules le glucose qui aura fonction d’antigel. Elles germeront dès la hausse des températures.

Quelques particularités

Floraison hivernale et plantes nivéales

La plupart des plantes que nous voyons fleurir dans les jardins en hiver sont issues de cultivars à la floraison tardive ou précoce.
En Europe continentale, peu d’espèces fleurissent naturellement en hiver. En voici quelques unes des plus intéressantes que l’on peut rencontrer lors de balades hivernales.
L’Hellébore fétide (Helleborus foetidus),fleurit selon les régions de novembre à avril. Sa floraison attire, pour sa pollinisation, les rares bourdons et abeilles sauvages sortant lors des redoux hivernaux d’hiver mais il peut arriver que la plante soit autoféconde. Chez le Noisetier commun (Corylus avellana), les fleurs mâles apparaissent de décembre à mars sous forme de chatons alors que les fleurs femelles s’épanouiront en mars/avril. On parle alors d’allogamie ou fécondation croisée.
Dans les sous bois, les fleurs rouges ou roses du Bois-joli (Daphné mezereum) diffusent un délicieux parfum.

hellébore fétide Helleborus foetidus
Hellébore fétide en floraison (Helleborus foetidus) © Cédric Daguet

Les plantes nivéales peuvent percer une mince couche de neige lors de leur floraison.
De plus en plus rares dans les espaces naturels, nous pouvons citer la Bruyère des Alpes (Erica carnea) aux fleurs couleur chair et l’incontournable Perce-neige (Galanthus nivalis) dont l’espèce endémique n’est protégé en France que dans le département de l’Isère et celui des Pyrénées Atlantique.

Bryophytes et lichens

Les Bryophytes et les Lichens sont des espèces dépendantes des conditions climatiques et hygrométriques. Il n’est pas rare d’en voir quelques unes se développer en hiver pour autant que la saison soit douce et pluvieuse. Toutefois certaines espèces requièrent des températures plus élevées pour se reproduire.
En cas de grand froid, les lichens produisent du glycol afin de se protéger eux ainsi que l’algue avec qui ils entretiennent une symbiose jusqu’au retour de la douceur pendant laquelle ils reprennent leur cycle de vie.

bryophyte hiver eurhynchium striatum
Eurhynchium striatum © Cédric Daguet

Pourquoi l’hiver est-il nécessaire ?

L’hiver est indispensable pour les végétaux car ils ont besoin d’une période de froid afin de pouvoir se régénérer et préparer un nouveau départ végétatif. Ce passage saisonnier s’appelle la vernalisation.

Ces dernières décennies où les hivers sont en moyenne de plus en plus chauds, le manque de périodes régulières de basses températures n’est pas sans risques pour la survie des plantes. Il peut arriver que les graines ne germent pas et restent en dormance une année de plus si elles ne pourrissent pas. Il peut aussi arriver que la plante vivace n’ayant pas eu de repos végétatif meurt, fleurisse trop tôt ou pas du tout. Si la douceur revient précocement, il y a un risque que la plante parte en végétation bien avant l’arrivée du printemps. Dans ce cas, l’arrivée d’une gelée tardive endommagera les bourgeons naissant voire les fleurs pour les espèces d’arbres hâtives et peut provoquer un éclatement de l’écorce qui les fragiliserait pour les années à suivre. À ces risques s’ajoute la propagation des maladies cryptogamiques ainsi que des prédateurs naturels (pucerons, chenilles, etc.) que les températures négatives éliminent.

Adaptation au changement climatique

Si les animaux peuvent se déplacer d’une région à une autre afin de se rendre dans des régions au climat qui leur est plus favorable, les plantes n’ont d’autre choix que de s’adapter, évoluer pour survivre. Pour cela, elles bouleversent leur développement en modifiant leur cycle végétatif, en produisant des graines plus résistantes, en modifiant leur système génétique. Les populations les plus fragiles disparaissent ou restent isolées en des zones précises, tandis que des espèces méridionales dont les graines sont disséminées par le vent, les animaux, l’Homme, se propagent vers le Nord.

Cédric DAGUET

Photographies et illustrations : Cédric DAGUET

Sources
Les formes d’adaptation des végétaux
Les types biologiques de Raunkier

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